(( O ))
Tout s’écoule, le temps, l’eau. Dans ce monde en devenir, en perpétuel mouvement, le photographe tente de capter l’évanescent, de le figer pour mieux le révéler. À la linéarité du temps vient se superposer sa verticalité qui le sacralise. Cette contradiction essentielle à la base de la photographie se retrouver dans la thématique de l’eau. Le philosophe Héraclite disait en ce sens : « on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve. » Ce fleuve s’il semble identique lorsqu’on l’observe ne contient pourtant jamais deux fois la même eau.
Le monde, les choses, et en premier l’eau, sont en perpétuel mouvement, en perpétuel changement, de même que notre vie intérieure. Chaque expérience est unique. À la fois sacrée et banale, l’eau véhicule toute une symbolique à travers laquelle Laurence Vray voyage en nous faisant partager sa série photographique intitulée (( O )).
Comme une baignade silencieuse, cette série nous offre une parenthèse solitaire explorant les résonances de l’eau, ses cours et ses flux. Inspirée par l’équilibre des contraires qui créent son harmonie, la photographe joue sur les oppositions entre présence et absence, solitude et compagnie, féminité et masculinité, fragilité et inaltérabilité de cet élément originel.
C'est un travail sur les eaux-mères
où le temps n'est pas encore linéaire
où la lumière joue encore de ses ombres entre les parois utérines
où la vie est en pure relation amoureuse...
C’est pourquoi le traitement des photographies est parfois très sombre, l’accès à la représentation de l’image demande de se laisser imprégner par son caractère organique dans un silence réflexif.
« Moi, c’est mon corps qui pense. Il est plus intelligent que mon cerveau. Il ressent plus finement, plus complètement que mon cerveau. Quand mon corps pense... tout le reste se tait. À ces moments-là, toute ma peau a une âme. » Colette. La Retraite sentimentale.
« le même fleuve de vie qui court à travers mes veines jour et nuit, court à travers le monde et danse en pulsations rythmées. C’est cette même vie qui pousse à travers la terre sa joie en d’innombrables brins d’herbe, et éclate en de fougueuse vagues de feuilles et de fleurs… Je sens mon corps glorifié au toucher de cette vie universelle, car ce grand battement de la vie des âges , c’est dans mon sang qu’il danse en ce moment. » Tagore